Le Tour du monde en 80 jours

Le Tour du monde en 80 jours

Lors d’une partie de whist au Reform club, Phileas Fogg, en parfait gentleman champion de l’exactitude, fait le pari de réaliser un tour du monde en 80 jours. De Londres, il embarque le soir-même avec le serviteur qu’il vient d’embaucher, Passepartout, un Français hâbleur et bon vivant.
Paru pour la première fois en feuilleton dans le journal Le Temps en 1872, Le Tour du monde en 80 jours est un succès immédiat et international. Il sera décliné jusqu’à aujourd’hui au théâtre, au cinéma et en bande dessinée. Younn Locard, le co-auteur avec Florent Grouazel de l’album Révolution, fauve d’or à Angoulême, se livre à son tour au jeu de l’adaptation sur un scénario de Jean-Michel Coblence. La parenthèse d’un grand voyage, une excursion dans le monde de l’enfance et le récit d’aventure.

L’héritage de Jules Verne

Né dans une famille de marins et d’ingénieurs, Younn a grandi dans l’admiration de Jules Verne. À 12 ans, il retrouvait un oncle en Thaïlande pour finir avec lui son tour du monde sur une goélette en aluminium.
Tout chef-d’œuvre qu’il est, le roman de Jules Verne reste un produit de son époque. Ses personnages incarnent des archétypes et à travers eux, l’écrivain porte les valeurs de la colonisation occidentale. « Il y a tous les travers de notre civilisation en germe dans Jules Verne. Ce sont des Phileas Fogg, des gens fortunés qui, à partir de paris idiots, ont transformé le monde en marchandise et en terrain de jeu pour les touristes ou les Paris-Dakar », tranche Younn.

Passepartout, un héros de BD

Une adaptation fidèle peut-elle s’affranchir des clichés ? Jean-Michel Coblence est un habitué de l’exercice. Ancien professeur d’histoire, éditeur et auteur de nombreuses BD à vocation éducative, il pioche à même le texte de Jules Verne pour le condenser, conservant les principales péripéties et privilégiant les dialogues originaux. Younn explique : « J’ai respecté ce canevas très fidèle et littéral. Le dessin permet de dire beaucoup de choses, montrer que l’exotisme ce n’est pas le monde que les héros traversent mais ce couple de personnages incongrus dans le paysage. J’ai tenu ainsi à recaler systématiquement Phileas Fogg au second plan pour donner à Passepartout le premier rôle. » Le serviteur s’impose comme le vrai héros de cette comédie burlesque aux accents cartoons et au goût des BD de l’enfance. Des situations à la Tintin et des gags autour d’un souffre-douleur, Fix, l'inspecteur de police.

Un voyage extraordinaire

La course contre la montre se substitue au voyage, rythme le trajet de la modernité et passe en revue tous les moyens de transports, du plus rapide au plus adapté. Trains, bateaux de toutes sortes, traîneau à voile et même un éléphant, c'est un « atlas vivant de la géographie », écrivait Stéphane Mallarmé.
Avec la même puissance de dépaysement, les planches de Younn Locard ouvrent l’éventail sur la diversité du monde en jouant en variations de couleurs et d’ambiances, de sensations... « C’est le même travail que pour Révolution, je cherche l’élément vivant qui permet de saisir l’esprit de l’époque ». Les cases s’attachent ici aux scènes du quotidien, à l’ordinaire.  Ses expériences ancrent les planches dans le monde réel et donnent de l’élan à cette invitation au voyage, à la découverte de l’ailleurs et des autres.
Aujourd'hui, 53 heures de vol suffisent pour faire le tour du monde. Dans cette perspective, les 80 jours de Jules Verne proposent un périple au ralenti : c'est le temps du voyage et de l’imaginaire, le temps d'une aventure pour méditer jusqu’à l’ultime rebondissement sur la relativité intemporelle des espaces-temps.